Manger sur le vieux port sans les travaux, c'est possible !

Je hais les terrasses. Je hais la chaleur de Marseille en plein mois d'août, où les gens en short et bob vissés sur la tête se pressent sur les terrasses pour profiter du soleil. Comment voulez-vous profiter d'une bonne cuisine par 40° ? Sur le vieux port en ce moment, la tendance est très palissade et béton brut.. Les travaux font rage depuis des mois, nous sommes tous en attente d'une place neuve, propre, aérée... J'entends de tous côtés des accents étrangers, je vois des appareils photo immortaliser les plus longs travaux qu'ait connu notre ville. Bien sûr que l'endroit sera beau en 2013, lorsque nous pourrons nous ballader en grands zig zags sur toute la largeur du vieux port devenu piéton, aller de carte en carte pour explorer de nouvelles tables ! Mais en attendant, dois-je me résigner à fuir cet endroit ?

Depuis la semaine dernière, j'ai décidé de lancer un grand mouvement : je mange avec vue, sans chaleur et sans travaux : je mange en intérieur : je mange dans un restaurant qui a un de ses murs transparent, (ça s'appelle une vitre, et ça permet à celui qui est assis de voir sa ville, la mer, et les reflets dedans, tout en étant insensible au bruit, aux odeurs, et à la température extérieure). Les parisiens en quête de chaleur se contenteront d'un rosé "bien glace" pour rafraichir leur repas. Moi j'y vis tout le temps, cela ne me suffit pas. Pour apprécier ce que je mange, je dois être bien assise, en bonne compagnie, et surtout bien au frais.. 

Et c'est là que l'on redécouvre nos valeurs sûres. Nos plus belles tables du port n'ont pas de terrasse saturées, je m'y love comme dans un cocon. Hier aux Trois forts, (Sofitel Pharo ), je me laisse bercer par la vue aérienne sur le rectangle bleu, les travaux sont tout petits, au loin, je ne les vois pas, je ne les entends pas, je ne les sens pas. Par contre, avec mes 22°, je n'ai pas besoin de me brumiser tête en bas : je peux apprécier tranquille mes langoustines vapeur marinées à l'huile d'olive, épices tandoori et brunoise de mangue et tomate... Moment chic, un vrai luxe. Difficile de me faire partir de là.

Et aujourd'hui, je me rapproche encore. Que le port est aussi beau vu de près, si l'on prend à peine un peu de hauteur. De la baie d'Une table au Sud, la table de Lionel Levy, j'avais juste envie de me rapprocher du centre, de voir le quai et les bâteaux. En face de moi, Notre Dame de la Garde qu'il est bon de faire visiter à mes amis vu de là, pour commencer. On parle ensuite des classiques de chez nous, et je les fais déjà voyager un peu : la bouillabaisse, oui, mais prenez-là en milk-shake ! C'est un grand classique de Levy, cette verrine en strates de couleurs où rouille et soupe se boivent à la paille, mais c'est mon pêché mignon. J'aime ça... et j'en profite, d'ailleurs j'ai tout mon temps, parce que je suis bien au frais. J'ai le soleil, la vue, la place grouillant de monde, les navettes du frioul bondées qui s'éloignent pleines de touristes à bobs, et moi je déguste mon sablé aux fraises et sorbet basilic. Et je suis trop bien.

J'avoue aimer les restaurants climatisés en été. C'est mal ? J'avoue aimer manger quand je suis à mon aise, pas coincée derrière un grand pot de fleur pour tenter de me cacher des rayons du soleil, ou sous l'ombre microscopique et hasardeuse créée par le feuillage rachitique d'un olivier mal arrosé. 

Le plus drôle, c'est qu'en m'accueillant, les restaurateurs croient me faire plaisir en me réservant une petite place en terrasse par 35 à l'ombre et un joli parasol qui ne va arrêter que les rayons les plus forts, mais sans entamer l'atmosphère pesante et excessive. Et quand je demande si ça ne les embête pas que je me mette à l'intérieur, ils croient que je me punis moi-même... mais en fait, je me fais plaisir en me mettant au frais.

Et si j'ai tous les avantages du Vieux port, la meilleure cuisine du coin, sans en avoir les inconvénients du moment, et bien je trouve ça topissime...